• "La psychologie positive est une science de charlatan" - Chris Hedges

    "[...] L a _ p s y c h o l o g i e _ p o s i t i v e _ , qui prétend être capable d'organiser le le bonheur et qui fournit les outils psychologiques nécessaires au renforcement de la servitude, est à l'État-entreprise ce que l'eugénisme était aux nazis. La psychologie positive est une science de charlatan qui jette un écran de fumée sur la domination des entreprises, la maltraitance et l'avidité. Les universitaires qui la prêchent sont arrosés de fonds privés. [...] Ces spécialistes du "bonheur" ont formulé un truc qu'ils appellent la "loi de l'attraction". Celle-ci prétend que, dans la vie, nous attirons les choses sur lesquelles nous nous concentrons, que ce soit l'argent, les relations ou l'emploi. Soudain, les chômeurs, les dépressifs, les malades mentaux, en fait tous les malades mentaux, en fait tous les malheureux.... tous devraient être blamés pour leur négativité. Ceux qui échouent à faire montre d'une attitude positive, quelle que soit la réalité extérieure, sont considérés comme des inadaptés. C e t t e _ i d é o l o g i e _ j u s t i f i e _ l a _ c r u a u t é _ d ' u n _ c a p i t a l i s m e _ s a n s _ e n t r a v e s _ , rejetant la responsabilité des élites au pouvoir sur ceux qu'elles oppriment. Et beaucoup ont intériorisé ce message pernicieux qui, dans les moments difficiles, mène au désespoir personnel, à la passivité et à la désillusion. La psychologie positive n'est pas plus utile pour résoudre nos problèmes que l'alchimie [...] Cette optique idéologique fustige tous les penseurs critiques. Elle étouffe la créativité et l'autonomie morale. Il s'agit d'être moulé et façonné dans un collectif docile et impuissant. Il ne s'agit absolument pas de bonheur. Il s'agit de conformité, d'une conformité que toutes les structures totalitaires cherchent à imposer à la foule. Sa promesse irréaliste de bonheur produit en fait plus d'anxiété et de sentiments de faiblesse que de joie authentique. C'est cette "paix négative" que Martin Luther King savait être si _ d e s t r u c t r i c e _ s u r _ l e _ p l a n _ p s y c h o l o g i q u e.
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    L'empreinte persistante de l'aliénation, la pression constante à exhiber un enthousiasme et une bonne humeur surjoués, la solitude d'une vie professionnelle dans laquelle chacun doit toujours veiller à maintenir une apparence enjouée, l'horrible sentiment que cette attitude enjouée ne peut en fait pas grand-chose face à un licenciement, tout cela est refoulé et étouffé. Il n'y a pas d'injustices sociales, pas d'abus à remettre en question, pas de système économique à contester au pays des pensées heureuses. Dans ce monde merveilleux, nous ne devons nous en prendre qu'à nous-même si les choses tournent mal. L'État-entreprise, nous assure-t-on, est bon et bienfaisant. Mao et Staline utilisaient le même langage de l'harmonie et de la force par le collectif, le même amour des spectacles et des slogans, le même pouvoir coercitif de la propagande, pour asservir et appauvrir des millions de leur sujets. Et, si nous ne nous libérons pas de l'emprise de cette idéologie et des vampires capitalistes qui la disséminent, c'est ce qui nous arrivera.
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    Chris Hedges, journaliste états-unien, objecteur de croissance et dénonciateur des ravages du capitalisme libéral ; dans un entretien intitulé "L'ère de la démago-cratie" avec le journal La Décroissance, page 4 du N° 137 - mars 2017