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La mort est dans le pré - film documentaire de Fanny Glissant, 2012
Cette vidéo n'est plus disponible sur internet. Je mets ici une bande annonce et un extrait :
C'est un film percutant dont personne ne sortira indemne. Mais surtout un film qui dévoile un problème de santé publique autrement plus grave que le pourcentage de cheval roumain dans les lasagnes au bœuf. Un problème de santé publique probablement équivalent à celui de l'amiante, dont les victimes ont enfin été reconnues après plusieurs décennies de combat et de mépris de la part des autorités compétentes, complices de l'industrie. Ce drame, c'est celui vécu par les agriculteurs ou proches d'agriculteurs qui ont été au contact quotidien des pesticides, et qui contractent cancers, maladies neurologiques et autres saloperies susceptibles d'être fatales.
Le réalisateur Eric Guéret est allé à la rencontre de ces gens qui, dans la peine ou la maladie, se battent pour la justice et pour une agriculture plus respectueuse des hommes et de la terre : Caroline Chenet, éleveuse de 45 ans dont le mari a succombé à un lymphome ; Frédéric Ferrand, viticulteur de 41 ans victime d'un cancer de la vessie et de la prostate ; Paul François, contaminé par le « Lasso » de Monsanto et qui mène un combat juridique du pot de terre contre le pot de terre face à la multinationale ; enfin Denis Camuzet, éleveur du Jura qui, bien que paraplégique, voit son avenir dans la conversion en bio de son exploitation.
Comment en est-on arrivé là ? Chacun témoigne à la fois du manque total d'information des fournisseurs de produits, qui s'abstiennent bien d'alerter sur leur dangerosité, de l'inconscience durable des agriculteurs comme dans cette scène où les parents de Frédéric, également vignerons, parlent de l'aspersion des produits alors qu'ils étaient encore dans les vignes : « ça faisait l'effet d'une douche fraiche en plein été ». Et puis il y a dans toutes les bouches la reconnaissance de ce foutu sens du silence qui règne chez les paysans. Le paysan est solidaire de son voisin pour les travaux, mais n'évoque jamais ni les problèmes d'argent, ni les problèmes personnels, ni même ceux de santé, fierté oblige. Et dénoncer les pesticides est souvent perçu comme une forme de trahison face à quelque chose qui a permis à chacun d'augmenter ses rendements et de mieux vivre matériellement. Mais voilà, la maladie est là et avec elle la prise de conscience d'une énorme duperie criminelle. Et la prise de conscience est telle que certains avouent ne plus donner à leur famille la production de leur récolte, se limitant à ce qui sort du potager privé cultivé en bio. Désormais ces paysans interviewés ne se taisent plus et mènent un combat parfois désespéré : combat auprès de la Mutuelle Sociale Agricole pour faire reconnaître son cancer comme maladie professionnelle, combat contre les scientifiques stipendiés par l'industrie, combat pour changer de pratiques, un défi pour ceux que l'agro-industrie a coupés de tous leurs savoirs traditionnels. Et malgré le tragique de la situation, grâce à l'obstiné Denis Camuzet, l'éleveur qui veut devenir bio, ou à la victoire juridique de Paul François, ce film reste plein d'espoir dans la lutte.***************************
Pourquoi l'usage des pesticides est-il un scandale économique ?
Nous savons désormais parfaitement que l'usage de pesticides a des conséquences sévères sur la santé humaine, sur la qualité de l'air et de l'eau, sur l'environnement et la biodiversité. Mais nous savons aussi que pour certains – beaucoup ? - « l'environnement, ça suffit ! ». Très bien. Parlons des seules conséquences financières des pesticides, à partir du seul cas de l'eau potable. Pas d'écosystème, pas de complexité, de la belle et bonne ingénierie. On devrait arriver à tomber d'accord, non ?
Le seul coût de la dépollution des résidus de pesticides dans l'eau pour la rendre potable a été estimé par le CGDD 1 en 2012 entre 260 et 360 millions d'euros par an, en France métropolitaine. Oui, c'est un peu cher pour une ressource que la nature nous fournissait pure il y a 50 ans.
Le chiffre d'affaires du secteur des pesticides pour la même année de référence (2010) fut lui de 1,8 milliard d'euros en France 2. Autrement dit, le coût de la dépollution des seuls résidus de pesticides pour rendre l'eau potable représentait pour 2010 un potentiel de 20% du chiffres d'affaires du secteur des pesticides.
Ce coût supplémentaire – cette externalité dira-t-on pudiquement - est supporté par les investissements des collectivités publiques, via leurs régies ou délégations de service public, et par les consommateurs, via leur facture de fourniture d'eau potable.
En tant que consommmateurs, nous payons donc deux fois nos pesticides : une première fois en en achetant pour les épandre ou en achetant des produits dont la production en a nécessité, une deuxième fois en payant pour les enlever de notre eau potable. Tout cela contribue au Produit Intérieur Brut, mais pourrait prétendre qu'il s'agit là d'une richesse nationale ?
Les usagers de pesticides s'acquittent eux d'une « redevance pour pollution diffuse » 3, perçue par les agences de l'eau qui les utilisent d'une part pour financer les actions de protection et de restauration des milieux et de la ressource, d'autre part pour financer le plan Ecophyto. Le niveau de cette redevance est exprimée de manière complexe en euros/kilogramme de matière active 4. Mais si l'on veut comparer ce qui est comparable, son produit fut en 2010 de 76,2 millions d'euros 5. Soit 21% du coût maximal de la dépollution annuelle, ou encore 4% du chiffres d'affaires du secteur des pesticides.
Si l'on appliquait le principe constitutionnel pollueur-payeur 6, le montant total du produit de cette redevance devrait être porté à 20% du chiffres d'affaires, ce qui procurerait près de 284 millions de ressources nouvelles pour lutter efficacement contre les pollutions et protéger les milieux donc la ressource. Une manne supplémentaire qui pourrait utilement être attribuée au financement d'actions favorables à la fois à la biodiversité et à la protection de le ressource en eau, notamment dans le cadre de la future Agence française pour la Biodiversité 7.
Mais si l'on voulait véritablement dissuader l'usage des pesticides en milieu agricole, on devrait porter cette redevance au moins à 100% du coût du polluant, et en attribuer le produit supplémentaire à la protection et au développement de l'infrastructure verte et à l'agriculture biologique qui, si elle n'est pas la panacée agro-écologique, à tout le moins ne pollue pas l'eau avec des résidus de pesticides. C'est possible, c'est simple, les agences de l'eau sont des guichets efficaces et organisés pour distribuer les subsides correspondants, et cela ne demande ni nouvelle loi, ni nouvelle organisation. Il suffit de relever le montant de la redevance dans le cadre d'un amendement à la loi, par exemple dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la Biodiversité. A bon parlementaire, bon entendeur...
On me rétorquera que ces ressources financières pour agir s'appuyant sur le pari d'une baisse de la consommation et l'usage de pesticides, cela posera problème lorsque qu'on consommera moins de pesticides, en faisant baisser les recettes... Ma réponse est simple : chiche !:)
Plus d'infos :
=> Le site du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, page publications
=> Le site du Laboratoire d'Analyses Microbiologiques des Sols (LAMS) de Claude et Lydia Bourguignon
=> Le site de l'association Générations Futures :
Générations Futures (ex-Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures – MDRGF) est une association, loi 1901, sans but lucratif, de défense de l’environnement agréée par le ministère de l’écologie depuis 2008, habilitée à prendre part au débat national sur l’environnement depuis 2013 et reconnue d’intérêt générale, fondée en 1996 par Georges Toutain, agronome, et François Veillerette, enseignant et auteur notamment de l’ouvrage de référence « Pesticides, révélations sur un scandale français ». Cette association mène des actions (enquêtes, colloques, actions en justice, campagne de sensibilisation…) pour informer sur les risques de diverses pollutions ( notamment les substances chimiques en général et les pesticides en particulier) et promouvoir des alternatives en vue d’en réduire les impacts négatifs pour la santé et l’environnement.=> Sites victimes-pesticides et phyto-victimes
=> Article Glyphosate et autisme
=> Film "Le monde selon Monsanto" de Marie-Monique Robin (voir aussi le livre du même nom et du même auteur)
Débat avec Christian Vélot : http://www.youtube.com/watch?v=x1ySOyz4neo=> Film "Notre Poison Quotidien" de Marie-Monique Robin
=> Film "Les moissons du futur" de Marie-Monique Robin
=> Le site de Marie-Monique Robin : http://www.mariemoniquerobin.com/
- À noter que pour chaque film, Marie-Monique fait aussi un livre qui porte le même nom.
- Vous pouvez acheter le DVD de son prochain film sur son site internet ; ainsi elle reste indépendante et réalise ses films sans faire appel aux banques.=> Film "Nos enfants nous accuseront" de Jean-Paul Jaud
=> Film "OGM, vers une alerte mondiale"
=> Film "Solutions locales pour un désordre global" de Coline Serreau
=> Livre "Pesticides, révélations sur un scandale français" de Fabrice Nicolino et François Veillerette
=> Livre "Pesticides, le piège se referme" de François Veillerette
=> Livre "L'agroterrorisme dans nos assiettes" de Michel Tarrier
=> Site PAN Europe, Pesticides Action Network Europe
=> Site PANNA, Pesticides Action Network North America
advanced alternatives to pesticides worldwide=> PAN Pesticide Database, une base de données américaine sur les pesticides
=> Conférence "La qualité nutritionnelle des produits Bio" (Denis Lairon)
=> Rapport de Olivier de Schutter (Rapporteur spécial des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation) qui exprime très nettement le potentiel considérable de l’agriculture biologique dans la lutte contre la faim dans le monde.
Tags : pesticides, santé, agriculture, pollution, cancer, maladie, chimie, industrie