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La vitesse moyenne généralisée
Calculons le bilan économique d'une voiture (sans compter les hôpitaux pour les accidenté-e-s, ni le dérèglement climatique, ni les rejets de l'industrie pétrolière, etc.)
Coût : achat, assurance, réparations, carburant, stationnement. Un autre coût, en temps : celui passé au volant et à l'entretien ? Au lieu de convertir ce temps en euro, on convertit tous les euros dépensés en un temps : la durée de travail nécessaire pour les gagner.
Bilan : rapport du bénéfice des kilomètres par personne transportée sur le coût total converti en heures. C'est une vitesse !
La vitesse généralisée, une clé pour comparer les moyens de transport. Surprise, la vitesse généralisée de la voiture est inférieure à celle du vélo : le système censé nous faire aller plus vite est contre-productif.
Exprimentez quelques calculs et des questions sur nos choix de sociétés surgiront rapidement : "Aller travailler sans ma voiture ? " , "Réduire mon temps de travail ? " , "Et mes courses au supermarché ? " ...
La réponse d'Ivan Illich est claire : "Entre hommes libres, des rapports sociaux productifs vont à l'allure d'une bicyclette, pas plus vite".
Démonstration dans Énergie et équité (Le Seuil, 1973)
Article extrait de la revue "L'an 02" - Hiver 2011/2012
Mise en pratique de la théorie :
Prenons un trajet de 80 km.
1. Trajet réalisé en vélo
Le vélo aura coûté 1500 euros (un bon vélo avec éclairage, garde-boues, saccoches, etc.).
On amorti le vélo sur 10 ans, soit un coût de 150 euros par an.
On estime le budget entretien, réparation et équipements (gants, casque, cagoule, tenue de pluie...) à 350 € par an.
Le coût annuel du vélo est alors de 500 €.
Notre cycliste fait environ 10000 km par an.
Soit un coût kilométrique de 0.05 €/km.
Notre cycliste se déplace à vélo à une vitesse de 18 km/h.
Il met donc 4.5 h pour faire le trajet.
Admettons qu'il s'arrête 0.5 h pour prendre un casse-croûte et admirer le paysage, prendre quelques photos...
Au total il aura donc mis 5 h pour parcourir les 80 km.
Nous avons vu tout-à-l'heure que son vélo lui coûtait 0.05 €/km.
Ce trajet lui a donc coûté 80 * 0.05 = 4 €.
Admettons que son casse-croûte lui ait coûté 1.50 €.
Cela fait un coût total de 5.50 €.
Soit une demi-heure de travail car notre cycliste a un patron qui lui donne 11 € par heure de travail effectuée.
Rajoutons cette demi-heure au trajet afin d'avoir le "coût temporel global", soit 5h30min.
80 / 5.5 = 14.5 km/h
La vitesse moyenne généralisée de notre cycliste est donc de 14.5 km/h.
2. Trajet réalisé en citadine diesel
Le trajet sera effectué en 1h tout pile.
Coût kilométrique de la voiture : 0.36 €/km (d'après le barème du trésor public, pour une puissance fiscale de 5 cv)
Le trajet aura donc coûté 80*0.36 = 29 €
Notre automobiliste est lui aussi payé 11 €/h.
Il devra donc travailler 2.6 h pour payer ce trajet.
Sa vitesse généralisée est donc de 80 / (1 + 2. 6 ) = 22 km/h
La voiture ne va donc pas 5 fois plus vite que le vélo (5 fois 1 heure) mais seulement 22 / 14.5 = 1.5 fois plus vite.
C'est donc un tout petit peut mieux que le vélo mais on ne prends pas en compte :
- le temps passé au contrôle technique et aux autres formalités administratives
- le temps passé dans les bouchons (pour ceux qui roulent en ville)
- le coût pour la société (décès, accidents de la route, maladies respiratoires dûes à la pollution...)
- le coût de cette addiction au pétrole (pillage des pays du Tiers-Monde, guerres sanglantes...)
Vous me direz "Et si l'automobiliste avait un salaire 10 fois plus élevés, ça changerait la donne ! "
C'est bien vrai, mais :
1. La grosseur et la puissance de la voiture sont très souvent en rapport avec la catégorie socio-professionnelle
(plus la voiture est grosse et donc coûteuse, plus la vitesse généralisée diminue, à salaire égal)
2. Cette richesse, ce haut niveau de salaire vient forcément de quelque part :
- de bénéfices que l'entreprise a réalisés grâce une délocalisation partielle de l'activité (d'où plus de frets routiers d'où pollution et risques d'accident d'où un coût assez important assumé par la société)
- de l'exploitation de main d'oeuvre bon marché (coût social)
- d'une énergie bon marché qui favorise les échanges internationaux (pillage des pays producteurs, pollutions, guerres...)
Tous ces coûts, sociaux, sanitaires, environnementaux sont transposables en temps et peuvent affecter un jour ou un autre de façon directe ou indirecte l'automobiliste. (guerre dans son pays, maladie respiratoire ou allergies favorisées par un air pollué aux microparticules de diesel)
De plus, la sédentarité de l'automobiliste l'expose a des maladies cardiovasculaires. (encore un coût pour la société)
Plus d'infos :=> Carfree, le site de la vie sans voiture
Tags : vitesse, généralisée, automobile, vélo, déplacement, décroissance, transport, pic, oil, pétrolier, pétrole, travail